Corollaire incontournable de la
complexification des savoir-faire et des connaissances, l’évolution naturelle
de l’espèce humaine tend inéluctablement vers la spécialisation. Ainsi
l’individu est-il amené à déléguer à d’autres de plus en plus de tâches qu’il
ne pourrait assumer lui-même faute de connaissances et de temps.
Il serait par
exemple totalement impossible à une personne seule de mener à bien la
construction d’une voiture depuis sa conception
jusqu’à sa mise en circulation en passant par la récolte et le traitement des
matières premières. Ceci implique que tout un chacun se voit progressivement
contraint à accorder d’avantage sa confiance à d’autres, dont souvent à de
parfaits inconnus, sans qui il ne pourrait profiter des fruits du progrès.
Cette interdépendance, cette
« complicité » forcée entre les individus est évidemment un facteur important
de socialisation. Le fait d'être ensemble et d'agir de
concert dans la poursuite d'un même but est la définition même du terme latin
« concurrere », racine de notre « concurrence » en français, mais la logique libérale ne voit en
ce mot qu’un concept d’opposition, de rivalité dont elle fait la pierre
angulaire de son idéologie. Exit donc la confiance dans ce cas, la défiance
s’installe et, plutôt que de créer des liens, cette concurrence dresse les
intérêts, tant collectifs qu’individuels, les uns contre les autres
Mais, rétorqueront les partisans de la concurrence
libre et non faussée et du darwinisme social, cette rivalité est la
source même de la sélection naturelle…
dont nous sommes le résultat ! L’argument semble irréfutable et les
libéraux aiment s’y référer d’autant qu’ils entendent ainsi naturaliser leur
dogme. Arguant d’une conception « moderne » des
sciences humaines mettant en relation éthologie, politologie et sociologie, ils
discréditent les supposées tendances académiques actuelles pénétrées de
marxisme qui refusent, selon eux, toute réflexion véritablement interdisciplinaire. Prenons
acte et voyons !
Konrad Lorenz en immersion. |
Essentiellement acquise donc, et non plus
héritée via la seule génétique, ces spécialisations génèrent une mutation progressive
et remarquable quant à la nature de la cohésion sociale. Progressive parce-que
les sociétés humaines procèdent d’un très long processus évolutif qu’elles ne
font que poursuivre, remarquable parce-que la cause principale de la cohésion sociale subit un véritable bouleversement :
chez l’animal c’est essentiellement la ressemblance des individus qui
entretient la cohésion, chez l’homme c’est la différence qui, peu à peu, prend
la relève.
Emile Durkhein |
C’est Durkheim également qui développera
la notion d’anomie pour désigner certains dérèglements
sociaux, conséquence de la division du travail qui isole les individus et fait régresser la solidarité
("De la division du travail social", 1883).
La différentiation inéluctable des membres
de la société entraine donc simultanément un accroissement de la cohésion
sociale via la complémentarité des individus et son contraire via la division
du travail. Si nous aurions pu espérer la neutralisation réciproque de ces deux tendances
antinomiques voir, pourquoi pas, la progression de la cohésion
issue de la complémentarité, c’eut été sans compter sur le rôle génétiquement diviseur
du capitalisme et du libéralisme, le premier pour son rôle accumulateur du
capital et de la production en quelques mains privilégiées, le second pour sa propension
à donner de l’argent à ceux qui en ont déjà et donc à creuser la fracture sociale.
S'inspirer de l'ordre "naturel" pour gérer nos sociétés n'est donc absolument pas fiable et relève même de la perversion, cette démarche rétrograde s'avérant profondément antisociale. Ce n’est pas sur la rivalité, sur la défiance que l’on construit une société, c’est sur la coopération et la confiance. Plutôt qu’une société ce n'est sinon qu’une horde où chaque individu cherche à tirer profit de l’autre.
Endeumo:
La solidarité organique, reposant sur l'interdépendance des individus, procède de notre évolution naturelle et s'oppose tant à l'accaparement capitalistique qu'aux rivalités libérales.
S'inspirer de l'ordre "naturel" pour gérer nos sociétés n'est donc absolument pas fiable et relève même de la perversion, cette démarche rétrograde s'avérant profondément antisociale. Ce n’est pas sur la rivalité, sur la défiance que l’on construit une société, c’est sur la coopération et la confiance. Plutôt qu’une société ce n'est sinon qu’une horde où chaque individu cherche à tirer profit de l’autre.
Endeumo:
La solidarité organique, reposant sur l'interdépendance des individus, procède de notre évolution naturelle et s'oppose tant à l'accaparement capitalistique qu'aux rivalités libérales.
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